jeudi 9 février 2012

II) fini


II_ De l'idée utopique à la réalité

 Nous étudierons le passage de l'idée utopique à la réalité par le biais de 4 études de cas portant sur 4 communautés différentes, basées sur des idées utopiques totalement hétéroclites à travers leur concrétisation, leur fonctionnement et enfin les raisons des échecs de certaines de ces communautés. Ces quatre communautés ont fonctionné à différentes époques et dans différents pays. Icarie fut une communauté plus éphémère que les autres, et ne fonctionna que de 1847 à 1856, en Amérique. Le familistère de Guise pour sa part fut actif de 1887 à 1968 dans le nord de la France. Auroville, basée en Inde, a été inaugurée en février 1968 et la communauté est toujours en activité aujourd'hui. La Rainbow familly, quant à elle, est une communauté radicalement différente, sans localisation précise et est active depuis les années 1960. Certaines de ces communautés sont basées sur des œuvres littéraires mais ne remplissent pas tous les critères inscrits dans les livres. Nous allons étudier cette barrière qui sépare la littérature de la réalité à travers différents points, dans lesquels nous reprendrons les déficiences de ces réalisations, dues à l'impossibilité de rendre toutes les personnes habitant dans la communauté uniformes, et à l'incapacité de l'humanité de reproduire une société idéale sans abolir certaines libertés.


A) Processus de concrétisation et fonctionnement des utopies concrètes

 Le processus de concrétisation de l'utopie est un moment décisif dans la réalisation de la communauté. En effet, c'est à ce moment-là que la simple idée utopique devient une réalité. Lors de ce passage du monde de l'imaginaire à une véritable concrétisation, certains points essentiels dans une utopie peuvent être lésés. C'est la conséquence de l'imperfection de l'humanité.

  Notre première étude de cas est portée sur Icarie : Icarie est le nom donné à la communauté utopique fondée en 1847 par Etienne Cabet,   un homme politique français du 19ème siècle, socialiste. Il tente de faire percer ses idées socialistes sans grands succès et publie, en 1842, le roman Voyage en Icarie, récit utopiste d'une société idéale  fonctionnant sur des principes égalitaires et communautaires. Ayant reçu une excellente critique du public français, il continue pourtant sa lutte auprès du gouvernement pour faire triompher ses idées, mais il se fait beaucoup d'ennemis, et, raillé et rejeté par tous, il décide de quitter la France et, réunissant ses disciples, il leur exposa son désir d'aller fonder son Icarie en Amérique : "Puisqu'on nous persécute en France, puisqu'on nous refuse tout droit, toute liberté d'association, de réunion, de discussion et de propagande pacifique, allons chercher en Icarie notre dignité d'Homme, nos droits de citoyens et la liberté avec l'égalité !"
Il se décide alors à concrétiser dans la réalité cette simple idée utopique à partir de la doctrine établie dans son roman,  et qui va se heurter à de nombreux obstacles, ignorés alors dans la fiction. Cette réalisation sera longue et pénible mais perdurera pendant quelques années, avant de s'effondrer en 1856, pour divers problèmes que la réalité, contrairement à la fiction, ne pouvait effacer.

  Notre deuxième étude de cas porte sur le Familistère de Guise créé, également au XIXème siècle, par Jean-Baptiste André Godin, un grand industriel et philanthrope français. Il est fondé en 1858 sur le modèle établi préalablement par Charles Fourier, grand utopiste socialiste et humaniste du XIXe siècle, qui le nomma Phalanstère. L'idée originelle du Phalanstère est la création d'une cité-usine idéale, où les ouvriers peuvent lier le travail et le loisir sans sortir de la cité, vivant en parfaite harmonie avec leur famille. Le point fort de cette idée étant que malgré la grande part d’aménagement pour rendre la vie des ouvriers simple et agréable, ce fonctionnement permet de garder un certain contrôle sur eux, de les surveiller dans une certaine mesure. Godin réalisa son familistère dans le but d'en faire une cité vraiment idéale pour les ouvriers, travaillant dans son usine et qui regroupe toute l'organisation nécessaire au fonctionnement de son infrastructure et surtout d'une cité autonome. Pour Godin, la dimension de contrôle sur les ouvriers n'est pas d'une importance capitale, il a vraiment tenté de créer une communauté idéale et non un endroit uniquement efficace pour son commerce. Le système utopiste cessa de fonctionner après les reformes établies en 1968. Après 109 ans le familistère fut fermé mais l'usine continua de fonctionner jusqu'en 1991, où l'ensemble de l'infrastructure fut classé «monument historique ». 

  Auroville, notre troisième étude de cas naît en Inde et date de 1968. La communauté fut créée par le philosophe Indien Sri Aurobindo et sa compagne spirituelle, Mirra Alfassa, qui deviendra la Mère. Cette communauté a ses principes centrés sur le yoga et la méditation, le but étant d'accéder à la vérité de l'être et de vivre une expérience intérieure et individuelle afin de découvrir l'homme de demain qu'Aurobindo appelle l'être supra-mental. Sri Aurobindo est un philosophe qui fait partie de ces Indiens révoltés par leurs conditions de vie et c'est à cette occasion qu'il rejoint un groupe de contestataires, et agit pour obtenir l'indépendance de son pays. Ses actions révolutionnaires le conduisent en prison où il changera radicalement sa façon de penser ce qui favorisera la volonté pacifiste de la communauté d'Auroville. En 1926, Mirra Alfassa se voit confier la gestion de l'ashram créé par Sri Aurobindo (On définit le terme ashram comme un lieu où les disciples d'une communauté vivent autour d'un maître), qu'elle a rencontré à Pondichéry. Elle dirige ensuite l'ashram qu'elle termine d'organiser. C'est une Française, philosophe et reconnue pour ses écrits et son parcours de méditation. Ils partagent leur recherche spirituelle et leurs idéaux.  Elle fonde Auroville en février 1968 à quelques kilomètres de la ville et dirige cette communauté en y consacrant la fin de sa vie, jusqu'à sa mort en 1973. Une adulation particulière de la part des Aurovilliens lui est vouée, elle apparaît comme la figure emblématique de la société pacifique et spirituelle et on l'appelle la Mère. Sa mort bouleverse les membres aurovilliens, elle laisse la communauté sans protection, et la portée utopique elle-même de la cité semblait reposer sur sa fondatrice.
                                                                                                 
  La Rainbow Familly, notre dernière étude de cas, n'est pas une cité mais plutôt un nouveau mode de vie qui contrairement aux autres, n'a pas d'idée de départ précise dictée par une seule idéologie, elle est le résultat d'une prise de conscience collective regroupant des individus de toutes sexualités, ethnies et religions qui décident de suivre cette nouvelle possibilité d'envisager le monde et la vie en générale. Aux États-Unis, dans les années 1960, beaucoup de gens n'étaient plus satisfaits de la vie et de la société dans laquelle ils vivaient et ils décidèrent d'essayer un style de vie alternatif. Ils se sont rassemblés afin de vivre dans des communautés un peu partout aux États-Unis. Ces communautés avaient peu de contact les unes avec les autres mais les gens se rencontraient souvent lors de festivals de musique qui duraient parfois plusieurs jours. Très vite, ils ont réalisé qu'ils pouvaient apprendre les uns des autres car beaucoup rencontraient des problèmes que d'autres avaient déjà résolus. Certains décidèrent de se rassembler ailleurs tranquillement et paisiblement, loin du bruit et des foules, où ils pourraient parler et partager leurs expériences, échanger leurs talents et leurs savoirs. Les communautés ont commencé à prendre forme pour finalement déboucher sur une véritable communauté autogérée en 1972 : « The Rainbow Familly of Love and Living Light » de son vrai nom, qui a pour principe de vivre en marge de la société actuelle pour essayer de vivre dans un style de vie fondamentalement différent, inspiré des tribus amérindiennes, basé sur l'amour, la liberté, l'harmonie et le respect de la nature .


   Un des problèmes principaux de la réalisation d'une idée, quelle qu'elle soit, est la recherche de fonds et le rassemblement de personnes de même idéologie. Dans le cas d'Icarie, Etienne Cabet, a vulgarisé sa doctrine en organisant sa propre propagande suite à la publication de son livre en distribuant des cours publics et des brochures, réunissant des disciples désireux de suivre son idéologie et prêts, pour concrétiser leur rêve, à vendre tous leurs biens, suivant un des principes d'Icarie, l'abolition de la propriété privée ; pour réunir des fonds en suivant un modèle sectaire, et acheter une terre au Texas.

  Pour le Familistère de Guise, l'argent n'était pas le problème : Godin était un riche industriel, profondément convaincu de la véracité de l'idéologie de Fourier. Il a financé lui-même la construction de son infrastructure et n'a bénéficié d'aucune aide  extérieure. Le Familistère fut donc construit sans problème, avec les fonds de son créateur, et les ouvriers n'eurent aucune aide financière à fournir. Les ouvriers travaillant à l'usine bénéficièrent donc d'un nouveau logement dans un cadre familial et chaleureux. Certains ouvriers venus d'autres usines se joignirent à eux, acceptant de travailler dans l'usine de Godin pour de meilleures conditions de vie.

 Auroville, quant à elle, fut financée jusqu'en 1976, à la mort de "la Mère", par les membres de l'ashram de Sri Aurobindo. Ceux-ci avaient de nombreuses entreprises dans l'enceinte de Pondichéry, qui faisaient leur richesse, et avaient toujours été liés de près ou de loin à la fondation de la communauté. A la mort de Mira Alfassa ils se revendiquèrent alors propriétaires des terrains, et refusèrent de financer une communauté qui n'était pas la leur. Les tensions perdurèrent jusqu'en 1980 où le gouvernement indien intervint, et déclara l'indépendance d'Auroville avec l'ashram, et s'engagea à soutenir la communauté, placée sous sa protec
tion financière. Les premières personnes à rejoindre la communauté sont les membres de l'ashram d'Aurobindo, les nouveaux arrivants doivent vivre un an dans la cité et se gérer financièrement tout seul avant de devenir membre et être pris en charge par la communauté.

  La Rainbow Familly n'a pas eu de problèmes de fonds, car la nécessité de trouver de l'argent n'était pas prédominante. En effet, le but majeur de la communauté est de vivre en marge de la société capitaliste,  l'argent n'a donc aucune importance. Les membres de cette communauté rejettent toute forme pécuniaire en dehors des "Rainbow Gatherings", leur rassemblement annuel qui, se trouvant à l'échelle de l'ensemble des tribus "Rainbow Family", nécessite une collecte de fonds où chacun donne selon ses moyens dans ce qu'ils appellent le Chapeau « Magique » puisqu'il contient toujours assez d'argent pour subvenir aux besoins de l'ensemble des membres de la Famille. Toute personne ayant les mêmes volontés de mode de vie peut rejoindre une communauté Rainbow family.

  Ces différentes communautés sont basées sur différents modèles de construction.
  La cité d'Icarie est construite, tout comme la doctrine de Cabet, sur un principe d'égalité parfait ; aussi bien entre les Icariens que dans la construction et l'organisation de la cité. Extrêmement bien décrite dans le livre Voyage en Icarie, tout y est ordonné dans une harmonie parfaite, les espaces ruraux s'emboîtant dans les espaces urbains, les quartiers contenant le même nombre de bâtiments, de jardins et d'espaces publics, de maisons et d'habitants. Tous vivent au même rythme, et travaillent aux mêmes heures. En effet, l'emploi du temps des Icariens est strictement réglé, du couvre-feu aux heures des repas qui se prennent dans ce qu'ils appellent "restaurants de la République".
  Le familistère de Guise est construit comme une véritable cité dont la vie tourne autour de l'usine. L'usine est située au bord du complexe, de façon à faciliter le trajet des ouvriers. Dans le reste de la communauté, il y a des logements (pouvant abriter jusqu'à 2000 personnes), et des lieux récréatifs comme un théâtre. La vie des ouvriers est réglée comme du papier à musique, ils travaillent en semaine, et le week-end se détendent dans les différents lieux de loisirs de la cité. Les ouvriers sont rémunérés en plus de leurs logements, leur permettant ainsi de nourrir leur famille.
  L'ashram de Sri Aurobindo à Pondichéry est le lieu où tout a commencé, et il est logique qu'Auroville se soit implanté à quelques kilomètres. Avant d'être construit, le site est un désert rouge transformé aujourd'hui en une véritable forêt tropicale occupant la moitié du territoire qui encercle la cité et lui sert à la fois de poumons et de remparts. L'architecture a été imaginée par un architecte parisien. La cité a la forme d'une galaxie vue du ciel, qui se concentre sur le temple non-consacré du Martimandir, au milieu qui représente la zone de la paix et « le symbole de l'aspiration d'Auroville vers le divin ». Autour de ce temple, quatre zones s'emboîtent, la zone résidentielle avec les habitations collectives et les habitations individuelles, la zone internationale avec des pavillons de toutes les nations, la zone de communication et de loisir, et enfin la zone industrielle dans laquelle les membres de la communauté travaillent quotidiennement. La démarche de la construction est très particulière : « il ne s'agit pas de construire une cité pour la faire habiter par des hommes, mais de construire des hommes en leur faisant bâtir la cité qu'ils auront décidé d'habiter. » Le but n'est pas de construire une cité, mais des hommes nouveaux. Les membres mangent tous dans l’immense cantine à énergie solaire, mais les habitations sont très diverses.

 La Rainbow Family n'a pas de lieu précis et fixe, les communautés Rainbow s'étendent à l'échelle planétaire. En effet, la présence de la Famille arc-en-ciel est recensée sur l'ensemble des continents, on retrouve leurs tribus dans les pays suivants : Les États-Unis, le Québec, l'Acadie, la Suisse, le Royaume-Uni, la France (dans les Alpes), l'Autriche, l'Italie, l'Allemagne, la Hongrie, la Grèce, la Russie, l'Australie, au Moyen-Orient ainsi que l’Afrique du Sud. Leur mouvement s'étend donc réellement sur la surface du globe et possède un véritable impact sur notre société actuelle. Ayant pour volonté de fusionner avec la mère nature, ces différentes tribus occupent de petits villages de tipis aux multiples couleurs, semblables à leur drapeau qui veut représenter l'unité spirituelle des individus de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, c'est à dire l'acceptation et le respect de tous les êtres humains.


B) Fonctionnement d’utopies concrètes et principes fondamentaux

  Les communautés utopiques fonctionnent, avant tout, sur le respect des principes fondamentaux. Ces principes fondamentaux varient de communauté en communauté et sont à la base de l'organisation de celles-ci. En effet, sans ces principes, les communautés n'auraient pas de raisons d'être. Ces principes sont édictés par les fondateurs de ces communautés, et sont multiples.

  Icarie est fondée sur les principes établis dans le roman Voyage en Icarie par l'auteur et le fondateur de celle-ci, Etienne Cabet.  Cette société est basée sur le principe fondamental du communisme (remplacer par socialisme ? cf. correction de l’oral maillé virole). Pour être admis en tant que "bon Icarien" il suffit d'adopter pleinement le règlement établi dans l'intérêt général : être laborieux, tempérant, jouir d'une réputation irréprochable et surtout, s'engager à abandonner tous ses biens, sans rien cacher à la collectivité. 

L'argent n'existe plus au sein de la communauté, celle-ci s'engage à fournir nourriture, vêtements et logements gratuitement aux Icariens selon leurs besoins, en échange de la participation au travail collectif et au respect des règles communes. L'Etat est maître de toutes les industries et redistribue, équitablement et sans privilège, à tous les Icariens le fruit de leur labeur. 
L'éducation, le travail et les loisirs sont strictement régis par des principes moraux élevés au niveau de la religion. L'éducation est gratuite et universelle pour les deux sexes. Il n'y a aucune religion d'Etat. Les filles à l'âge de 16 ans, et les garçons à l'âge de 17 ans, reçoivent une éducation religieuse qui leur permet ensuite de choisir vers laquelle des religions ils voudront se diriger. La religion est définie en Icarie par Etienne Cabet comme "un système de morale et de philosophie qui porte les Hommes à s'aimer." 
Il existe, dans cette société, une réglementation très stricte du mode de vie et des déplacements des Icariens. Le particularisme n'est pas accepté dans la cité d'Icarie ; il serait annonciateur du retour à l'inégalité. Ainsi, le crime et la justice ne sont pas envisageables puisque tous suivent les règles dans une complète uniformité, principe fondamental de cette société idéale. Comme disait Etienne Cabet dans Voyage en Icarie "ce système ne peut donc que se reproduire à l'identique s'il ne veut se détruire". Chacun mange les mêmes produits, porte les mêmes vêtements, dort dans les mêmes lits et utilise les mêmes objets. Cette société est décrite dans le roman comme une société ayant triomphé à la fois de la nature et de ses instincts individualistes. "Chacun a sa place et son emploi dans l'atelier de l'univers". 
Mais si ces principes semblent très stricts et quelque peu restrictifs, il ne faut pas oublier avant tout que le principe icarien de cette uniformité reste une discipline volontaire, et qu'aucune personne n'est forcée de se soumettre aux règles de la communauté s'il ne le désire pas, et sera toujours libre de quitter la société utopique. 
Les principes de cette Icarie de fiction vont être utilisés lors de la réalisation concrète de la communauté d’Icarie, sans tenir compte des modes de vie de chacun et des privations auxquelles seront confrontés les Icariens dans les premiers temps de cette utopie. Cabet instaurera des règles très strictes et une uniformisation quasi monacale aux nouveaux Icariens, qui jugeront les idées de Cabet trop liberticides. Cette société ne peut compter, contrairement à celle de la littérature, que sur le volontarisme des Icariens, qui a pour chacun ses propres limites, et qui ne peuvent réfréner leur jalousie ou leur envie de particularisme.

  Le Familistère de Guise, quant à lui, fonctionne comme une usine ordinaire, avec une hiérarchie entre le directeur, ici Godin, et les différents postes des ouvriers. Cependant il n'y a pas de hiérarchie précise, seulement des rôles déterminés, et si chacun remplit son rôle la communauté fonctionne parfaitement, en revanche si un des postes faillit à sa tâche, l'ensemble de la structure, s'effondre. Dans cette usine, on retrouve le poste classique des ouvriers, simples rouages de cette industrie de poêle en fonte. On retrouve également des cadres et des fonctionnaires mais qui sont, cette fois-ci, considérés à l'égal des ouvriers, recevant le même salaire, et vivant dans les mêmes logement qu'eux. En effet, tous les habitants de cette communauté vivent dans une totale uniformité, de logements, de nourriture, et même de mode de vie. 

Le phalanstère et son organisation sont tous deux régis par le même schéma, très strict, pour assurer le bien-être de tous les ouvriers de l'usine et de leur famille. Leur journée est rythmée par le travail à l'usine pour les ouvriers, les fonctionnaires ou les cadres, qui font tous une journée de travail normale pour rentrer chez eux le soir et profiter des loisirs et de la détente proposée par les différentes installations de la cité, qui vont du théâtre à l'opéra, en passant par le cinéma et les parcs de loisirs. Il y a également des restaurants, et une cantine à l'usine. 
Les femmes sont des mères au foyer qui s'occupent des enfants en bas âge la journée, les enfants plus âgés étant à l'école. C'est un mode de vie parfaitement normal en France, quel que soit l'époque choisie. L'éducation dans le Familistère se fait dans une école construire directement dans l'infrastructure mais fonctionnant sur le même modèle que toutes les autres écoles, les professeurs habitent le Familistère et éduquent les enfants comme partout ailleurs en France.  La télévision est présente dans la communauté, exactement comme à l'extérieur, il y a également la radio, et absolument tout ce qui était à la mode à Paris par exemple. En vérité,  la seule différence avec l'extérieur est justement cette barrière de l'usine, le fait que les ouvriers vivent dans le familistère ne les coupe pas du monde, ils vivent juste en dehors. Les ouvriers ont une vie parfaitement normale, excepté le fait qu'ils vivent dans le Familistère. La religion est libre dans le Familistère, même si la plupart des ouvriers sont catholiques, une église à même été construite dans l'enceinte de l'infrastructure pour les ouvriers pratiquants.

  La communauté d'Auroville a pour volonté de créer un nouvel Homme en développant la méditation de chaque aurovillien, inspiré de la théorie de "l'être supramental" de Sri Aurobindo, qui, d'après lui, représente la continuité de l'espèce humaine dans son évolution.  Il ne considère pas l'Homme actuel comme un aboutissement satisfaisant du développement de sa conscience, mais comme une étape intermédiaire avant l'être suprême, qu'il recherche à travers l'idéologie qui est mise en pratique dans la communauté d'Auroville. Les habitants sont centrés sur la recherche personnelle qui s’opère par le biais de la méditation et du yoga, ils cherchent une réponse à la raison de leur existence sur Terre. Les règles de départ d'Auroville sont les suivantes : 
"- Auroville n'appartient à personne en particulier. Auroville appartient à toute l'Humanité dans son ensemble. Mais pour séjourner à Auroville, il faut être un fervent serviteur de la "Conscience Divine".
- Auroville sera le lieu de l'éducation perpétuelle, du progrès constant, et d'une jeunesse qui ne vieillit point.
- Auroville veut être le pont entre le passé et le futur. Profitant de toutes les découvertes extérieures et intérieures, elle veut  hardiment s'élancer vers les réalisations futures.
- Auroville sera le lieu des recherches matérielles et spirituelles pour donner un corps vivant à une Unité Humaine concrète."
Malgré l’adulation des maîtres philosophiques, il faut faire attention à ne pas confondre Auroville avec une secte ; tous les habitants sont libres dans leurs croyances et religions, et la communauté n’a aucun but lucratif. En effet, Auroville n'a pas de religion à proprement parler, le culte qu’ils vouent à la Mère et à Sri Aurobindo (à travers notamment l’abondante présence de leurs portraits au sein de la cité),  ne les empêche pas de partager différentes croyances et de croire en d'autres divinités.
En plus de la méditation et de la recherche de soi, chaque aurovillien travaille quotidiennement à l'économie de la communauté et à sa construction, et tout cela bénévolement, puisque tout le profit de leur labeur est reversé dans la caisse commune et profite à l'ensemble d’Auroville. La zone d'habitation est située à proximité de la zone de travail, où ils se rendent avec plaisir et pour le bien de la communauté, ils ne considèrent pas leur tâche comme une corvée mais comme un accomplissement de soi, profitable à chacun.
On peut noter qu’il n'y a pas de hiérarchie, même si certains habitants semblent plus riches que d'autres, par leur habitation ou par le travail qu'ils effectuent. Certains choisissent de vivre richement, en arrivant dans la communauté avec beaucoup d'argent tandis que d'autres se contentent du strict nécessaire; ainsi, ce n'est pas moins une hiérarchie qu'un choix de la part des Aurovilliens. De plus il n’y a ni loi, ni police, ni prison.
D'après la règle initiale, l'éducation se trouverait partout dans la communauté, dans la continuité des rapports entre chaque individu d'Auroville, avec la conviction que l'adulte n'a pas moins à apprendre que l'enfant, que chacun a quelque chose à apporter à l'ensemble de la communauté. Au commencement, il y avait une école spéciale, appelée "Dernière Ecole" (Last School). Sans véritable structure, elle accordait aux enfants une grande liberté. Les enfants participaient volontairement à différents stages présentant les métiers que proposait la communauté, afin qu'ils choisissent le métier qui leur plaît. Aujourd’hui une autre école a été créée qui prépare aux bacs britanniques, suivant le souhait d’un encadrement de la part des élèves eux-mêmes, et leur permettant de s’insérer dans le monde extérieur s’ils décident de quitter Auroville.
Les Aurovilliens aiment à se rassembler, que ce soit autour du temple Martimandir, symbole d'Auroville et lieu de méditation collective, ou bien le soir, au cours des veillées pour assister à des divertissements ou des débats.
 

  Enfin, la Rainbow Family a des principes qui apparaissent comme assez abstraits. Les membres de la Famille ont créé cette communauté pour vivre en marge de la société et de toutes ses contraintes et être en Harmonie et en paix avec la nature. Pour vivre en accord avec ces principes, ils mettent en place des règles de vie simples qui, malgré le fait qu'il n'y ait pas de véritable structure, permettent à la communauté de perdurer grâce à l'action constante de ses membres. 
Ils vivent en pleine nature et respectent de nombreuses traditions amérindiennes. En effet, ils s'identifient notamment à l'une de leurs anciennes prophéties qui dit que "Quand la Terre sera ravagée, que l'eau des rivières ne sera plus bonne à boire, quand les arbres se feront rares et que les animaux auront presque disparu, c'est alors qu’apparaitront les guerriers de l'Arc-en-ciel. Ils se lèveront pour protéger la Terre. Ils reformeront le cercle sacré de l'harmonie et enseigneront l'unité entre toutes les races et les religions véritables de l'humanité. Ils feront entendre leurs voix pour demander la fin des guerres et la Paix entre les peuples. Ils retourneront à la Nature qu'ils respecteront, pour y vivre de la Terre nourricière et s'y assembleront en tribus. Ils seront connus comme les guerriers de l'arc-en-ciel". 
Après la transition ayant pour objectif le retour à la nature pour vivre en marge de la société, il fut rapidement nécessaire d'instaurer des règles de bases pour rester en bonne santé et survivre dans la nature. Les décisions pour la communauté sont prises par consensus dans un cercle de parole à l'aide du bâton de parole comme dans les tribus Amérindiennes. Les membres de la Famille "officielle" vivent dans de petits villages de tipis aux couleurs de l'arc-en-ciel. Ils cultivent la terre pour se nourrir, vivant ainsi en accord avec la mère nature. Les cendres du feu sont utilisées pour le nettoyage, comme savon et aussi pour guérir les plaies. Il n'y a pas de drogues sauf celles considérées comme "douces", pas d'alcool par prévention de manque et/ou d'agression ni d'appareils électriques par souci de bruits et d'intrusions extérieures. Ils jouent seulement de la musique acoustique et orale. Deux repas par jours sont servis dans le cercle du repas, pour des raisons pratiques et par souci d'égalité. 
Tous les ans aux alentours du 4 juillet, l'ensemble des communautés Rainbow se retrouve lors de ce qu'ils appellent le "Rainbow Gathering". C'est seulement lors de ces rassemblements annuels, qu'on retrouve des éléments de la société capitaliste tels que la consommation d'alcool ou la circulation d'argent pour assurer le bon fonctionnement du rassemblement. La cuisine principale au Rassemblement serait végétarienne. Ceci a été décidé pour des raisons pratiques et économiques. La viande et ses produits dérivés coûtent cher et en raison de la présence de végétariens, il aurait fallu la préparer dans une cuisine séparée. Le savon n'est pas utilisé à moins de 5 m des points d'eau vive, pour éviter leurs pollutions. 
Les traditions et les savoirs de la Famille Rainbow sont transmis par les anciennes générations mais aussi de tribus en tribus. Il n'y a pas de structure d'éducation mais les connaissances sont transmises dans une continuité et dans un concept d'échange entre les tribus comme entre l'élève et le professeur. La Rainbow Family parvient à mettre en application ses principes avec des règles simples apportant tout de même une liberté à ses membres qui maintiennent la société par la participation de tous pour une meilleure vie en collectivité.

  Le processus de concrétisation de l'utopie passe donc forcément par une idéologie assez éloquente capable de rassembler des personnes qui adhèrent à celle-ci, parfois une recherche de fond, et la construction d'une cité ou d'un campement qui serait la représentation de cette idée. Pour être assez convaincante, cette idéologie doit passer par des principes fondamentaux, dans lesquels les individus peuvent se reconnaître et espérer une vie meilleure passant par l'élévation de l'individu lui-même.

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