Introduction : L'idée utopique a été aussi bien représentée dans la littérature que dans le cinéma. En effet, le thème de l'utopie se manifeste de manière tout aussi diversifiée dans le 7ème art que dans la littérature. Le cinéma laisse libre cours au genre fantastique, dans lequel tout est possible. Ainsi deux des films que nous étudierons, La Belle Verte et Le Château dans le ciel, voient leur action se centrer autour d'un univers fictif, tandis L'An 01 est filmé comme un documentaire. Nous étudierons les différents aspects que peuvent prendre l'utopie dans le cadre du cinéma à travers ces trois exemples, en approfondissant particulièrement sur L'An 01 dont le sujet est la communauté utopique elle-même.
L'An 01, de Jacques Doillon, Gébé, Alain Resnais et Jean Rouch, en 1973
"On arrête tout et on réfléchit!"
Conclusion : La variation des genres de ces films utopiques permettent chacun une approche différente du sujet. L'An 01 est un film d'auteur qui a été réalisé sous forme documentaire, forme qui a pour dessein d'appuyer une impression réaliste. Le Château dans le ciel, dessin animé dans le genre merveilleux est cette fois destinée aux enfants et prend le parti d'être entièrement imaginaire. Quant à La Belle verte, c'est un film fantastique voire de science-fiction, ce qui permet de placer l'utopie dans un contexte complètement surréaliste opposé à la réalité triviale critiquée de la Terre. Ces trois traitements sont variés mais convergent vers un même point : l'utopie.
L'An 01, de Jacques Doillon, Gébé, Alain Resnais et Jean Rouch, en 1973
"On arrête tout et on réfléchit!"
L'An 01 a été réalisé à une époque
particulière, pendant laquelle les gens rêvaient de
changer le monde. Quelques années après mai 68, les
idées libertaires sont toujours d'actualités. Ce film d'auteur a choisit de traiter l'idée utopique à travers une optique naturaliste. Et c'est pourquoi il appartient au genre docu-fiction.
Dans
ce film, la population a décidé de tout arrêter
et de réfléchir. Ils ne sont pas satisfaits de la
société de consommation, de leur quotidien dicté
par des heures convenues, du caractère futile de leur travail
et celui des problèmes matériels. Après de
multiples conversations, le message d'une nouvelle ère est
transmis, et une décision collective est mise en place : l'An 01 débutera
un certain mardi à 15h. Certains ne prennent pas cela au
sérieux, d'autres ne comprennent pas que cela va vraiment
arriver, des publicitaires essayent de récupérer
l'événement ; il y a une effervescence de toutes parts
mais à l'heure programmée le passage à l'An 01
se déroule comme prévu.
La
première scène du film présente un changement
d'habitude, une personne ne monte pas dans le train qu'il prend
depuis douze ans à la même heure et choisit de parler
avec un inconnu.
Des
émissions pirates sont diffusées quelques temps avant le passage
à l'An 01 afin de promouvoir l'idée révolutionnaire. Nous relèverons au passage la mise en abyme réalisée : un film utopique dans un film utopique. Extrait :
"On nous dit : Le bonheur c'est le progrès faites un pas en avant. Et c'est le progrès... mais ce n'est jamais le bonheur. Alors si on faisait un pas de côté! Si on essayait autre chose! Si on faisait un pas de côté, on verrait ce qu'on ne voit jamais. Si on faisait un pas de côté :
"On nous dit : Le bonheur c'est le progrès faites un pas en avant. Et c'est le progrès... mais ce n'est jamais le bonheur. Alors si on faisait un pas de côté! Si on essayait autre chose! Si on faisait un pas de côté, on verrait ce qu'on ne voit jamais. Si on faisait un pas de côté :
-
Les queues ne tomberaient plus en face des guichets,
-
Les coups de fusils tomberaient à côté des
soldats,
-
Au lieu de sonner chez soi on sonnerait chez le voisin,
-
Et pour danser ça ne gêne pas, il suffit de faire
ensemble le même pas de côté."
Des
hommes prennent conscience de l'aliénation du système et veulent le fuir en se rapprochant de la nature : ils ont constaté que l'argent que leur
avait rapporté leur travail à l'usine leur avait servi
à se procurer de biens matériels. Ils ont pris conscience de l'absurdité de la consommation frénétique. Une fois ces biens acquis, pourquoi s'en procurer de nouveaux ?
L'Etat essaye de s'organiser pour étouffer la révolte mais sans succès. La propagande réactionnaire n'a plus aucune portée et les hommes politiques sont considérés comme "provisoires".
A
partir du fameux passage à l'An 01, le travail de bureau
n'existe plus, les fabricants de pâtes en ont produit assez
pour plusieurs mois, l'argent ne circule plus et toutes les acquisitions
de choses nécessaires s'opèrent par troc. Les gens
décident de parler aux inconnus qu'ils croisent dans la rue,
d'échanger leur carte d'identité entre eux parce qu'ils
en ont marre de porter toujours le même nom. Ils cultivent des
légumes sur les trottoirs creusés et marchent sur la
route, la voiture n'existant plus, le vélo est leur moyen de
transport écologique. Ils s'amusent du ridicule de leur
ancienne situation en riant pensant à combien leurs anciennes
habitudes paraissent insensées : certains font semblant de
devoir se réveiller avec un réveil et restent au lit,
d'autres jouent à travailler en essayant de rester sérieux le plus
longtemps possible. Les seules
préoccupations qui leur restent sont de se nourrir et de
devenir intelligent.
La
propriété privée est délibérément
abolie, ce qui est symbolisé par une pluie de clefs lancées
depuis toutes les fenêtres. Ainsi, d'après leur logique,
il n'y a plus de voleurs et tous les prisonniers sont libérés.
On verra ensuite des personnes qui ne se connaissent absolument pas
cohabiter sans se poser de questions.
Aux
États-Unis, on voit le marché de la bourse s'effondrer
dans les bureaux vides. La nouvelle du nouveau mode de vie européen
s'est transmise dans les journaux américains, comme en Afrique
par télégramme, et l'enthousiasme des individus
apprenant la véracité de la nouvelle semble les
inspirer pour leur pays. Une portée mondiale est donc prévue.
Les
magasins sont transformés en musées, on y trouve des
caddies comme des aspirateurs. Encore une fois, l'ancienne situation
est présentée comme ironique : il y a par exemple une
démonstration pour remettre les gens dans le contexte du métro
et leur montrer combien on était serré aux heures de
pointe.
De
nouvelles expériences ont lieu, la plupart sans aboutissement
mais l'aboutissement n'est pas l'intérêt ; ainsi le
désir sexuel est considéré comme une énergie
potentielle, quatre personnes s'allongent alors nus en se tenant par
la main et essayent de transformer leur énergie. L'intérêt
est de montrer une nouvelle vision des choses, la présence de
nouvelles idées dans les esprits, le renouvellement des
comportements.
Enfin,
il existe des groupes d'opposants qui tiennent des réunions
secrètes, ils sont filmés sans le savoir et leurs
réunions sont diffusées à la télévision
et la population rit de leur ignorance.
pour l'an 01 : On peut se demander si ce n'est que fiction ou si le genre documentaire permet de refléter une certaine réalité. Il est difficile de concevoir la mise en place de cette nouvelle ère de nos jours. Imaginez-vous 98 % des Français lancer leurs clefs par la fenêtre et accueillir comme si de rien n'était de parfaits inconnus ? Les personnes qui s'apparenteraient aux opposants du film seraient probablement majoritaires aujourd'hui, les politiques n'autoriseraient pas une telle action, les gens ont peur du changement etc.
Le
Château dans le ciel, de Hayao Miyazaki, 1986 (sorti en
France en 2003)
L'île
utopique présente dans ce film est inspirée d'une île
rencontrée dans Les Voyages de Gulliver, roman
utopique et satirique écrit par Jonathan Swift. On remarque un croisement entre ces deux traitements de fiction. Voici le début
de la description qu'il fait de l'île de Laputa (chap III de la
troisième partie « Voyage à Laputa, aux
Balnibares, à Luggnagg, à Gloubbdoubdrie et au Japon »)
: « L’île volante est parfaitement ronde ; son
diamètre est de sept mille huit cent trente-sept demi-toises,
c’est-à-dire d’environ quatre mille pas, et par conséquent
contient à peu près dix mille acres. Le fond de cette
île ou la surface de dessous, telle qu’elle parait à
ceux qui la regardent d’en bas, est comme un large diamant, poli et
taillé régulièrement, qui réfléchit
la lumière à quatre cents pas. Il y a au-dessus
plusieurs minéraux, situés selon le rang ordinaire des
mines, et pardessus est un terrain
fertile de dix ou douze pieds de profondeur. (...)»
Le
Château dans le ciel est
un dessin animé japonais. La présence d'un monde utopique
dans une œuvre
destinée à des enfants est signifiante ; ils ont
encore l'innocence et la pureté de l'enfance pour y croire,
et leur inculquera (de manière positive) des idées
utopiques ou du moins pacifiques. Le caractère imaginaire de
ce film n'est
pas à négliger dans le traitement de l'utopie. Le monde
utopique est une île volante, issue des Voyages de Gulliver
écrit par Jonathan
Swift en 1720.
Sheeta descendante
de la famille royale de Laputa et orpheline, s'est faite enlever par Muska un homme puissant du
gouvernement. Quand on la découvre, elle se trouve dans un
dirigeable, et des pirates sont également à sa
poursuite. Muska comme les pirates s'en prennent à la jeune
fille pour la même chose : la pierre bleue que Sheeta garde
précieusement autour de son cou. Essayant de s'échapper,
elle tombe dans le vide et elle est sauvée par un jeune homme
de son âge Pazu, dont le père à porté une
obsession particulière à l'île de Laputa jusqu'à
sa mort. C'est au moment où Sheeta tombe qu'elle découvre
la puissance magique de la pierre, qui la fait atterrir en douceur.
Tous deux ont donc un lien avec cette île qui semble plus tirée
d'une légende que de la réalité, et ils vont se
lancer dans une recherche effrénée de Laputa avec le
dessein de découvrir la preuve de son existence, tout en se
faisant poursuivre par les hommes du gouvernement et les militaires.
La pierre relie la jeune fille au pays flottant dans le ciel, et
l'imaginaire est introduit avec celle-ci ; en plus de lui permettre
de voler, elle lui indique la direction qu'il faut prendre pour s'y
rendre, et elle est composé du cristal qui permet la lévitation de l'île dans le ciel. Ils y parviennent finalement, et la violence de ceux qui les poursuivaient fait
que leur séjour sur l'île ne dure pas longtemps. Seuls
des sortes de robots qui organisent le bon fonctionnement de l'île
demeurent dans le château volant.
L'introduction
d'une île utopique dans ce film permet également de
critiquer les hommes :
-
leur avidité du pouvoir qui explique le fait que les humains
ne vivent plus sur l'île, ils sont devenus tellement
irréfléchis et matérialistes qu'ils ne sont plus
aptes à vivre une utopie. Créée
par les Laputiens à une époque trouble de leur
histoire, l'île flottante a d'abord été un moyen
pour ses citoyens d'échapper aux conflits qui sévissaient
à la surface de la terre. Dotant la cité d'un
incroyable arsenal de guerre, les Laputiens sont devenus les maîtres
du monde. Rien n'aurait pu remettre en cause la toute-puissance et la
domination du royaume mais les Laputiens ont progressivement
abandonné l'île, pour revenir sur terre. Cela montre que cette recherche de pouvoir ne peut perdurer.
-
la destruction de la nature par leurs armes et par leur mode
d'actions basés sur l'inconséquence est largement
représentée. Par exemple Muska, le personnage qui
représente le "méchant",
dit très naturellement lorsque son passage est obstrué
par des racines alors qu'il n'a pas mis le pied sur l'île
depuis des années "aucune importance, je ferai tout
brûler"
La Belle Verte s'appuie également sur l'imaginaire, et cela lui permet de créer un monde idéal. Sur
une planète complètement imaginaire, des habitants
vivent des récoltes du jour dans une joie et une convivialité
enviables. Cependant, ils font parfois quelques expéditions sur les planètes alentour pour s'informer de leur évolution. Curieusement, cela fait très longtemps que plus personne n'a voulu aller sur Terre, mais une femme se désigne pour comprendre ses ancêtres. Elle se téléporte et arrive à Paris, et cela permet de comparer cette planète idéale à la vie en France à travers l'incompréhension d'une personne qui n'aurait pas été habituée à la ville et à la société d'aujourd'hui qui comprend argent et pollution.
On peut en effet parler d'utopie pour sa planète d'origine. Ce monde marche tout d'abord sans monnaie sous quelque forme, et donc sans profit. Les habitants y vivent d'une alimentation biologique et végétarienne, en se partageant toutes les récoltes du jour, de la même façon qu'ils se partagent les savoirs. Il est évident qu'ainsi il n'y a aucune pollution. Pour développer les capacités de leur cerveaux, ils pratiquent le sport cérébral, et du sport physique également afin d'entretenir les possibilités physiques et intellectuelles, et ils font cela dans un esprit joyeux, sans compétitions ni obligation. L’énergie de ces habitants se trouvent dans la tendresse des nouveaux-nés qu'ils serrent dans leurs bras, ce qui berce le bébé épanoui lui-aussi. Il est le symbole de la pureté, ils trouvent donc leur nouvelle énergie dans la pureté. Il n'y a pas de maisons ni aucune propriété pour quoi que ce soit (à part les liens familiaux, les enfants restent ceux de leurs parents bien qu'ils vivent tous ensemble), même si cela implique l'importance d'un climat clément. Ils dorment ainsi dans l'herbe. On ne trouve pas non plus les artifices vestimentaires et décoratifs comme le maquillage pour les femmes qui n'existe pas (et n'a pas lieu d'exister). On ne trouve pas non plus d'objet inutiles, ce n'est donc aucunement une communauté matérialiste. Enfin les habitants de cette petite planète communiquent avec la femme qui est allée sur Terre en mettant les pieds dans l'eau, cet élément naturel, symbolique lui aussi, remplace le téléphone. C'est donc un rêveConclusion : La variation des genres de ces films utopiques permettent chacun une approche différente du sujet. L'An 01 est un film d'auteur qui a été réalisé sous forme documentaire, forme qui a pour dessein d'appuyer une impression réaliste. Le Château dans le ciel, dessin animé dans le genre merveilleux est cette fois destinée aux enfants et prend le parti d'être entièrement imaginaire. Quant à La Belle verte, c'est un film fantastique voire de science-fiction, ce qui permet de placer l'utopie dans un contexte complètement surréaliste opposé à la réalité triviale critiquée de la Terre. Ces trois traitements sont variés mais convergent vers un même point : l'utopie.
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