lundi 6 février 2012

Représentation cinématographique

Introduction : L'idée utopique a été aussi bien représentée dans la littérature que dans le cinéma. En effet, le thème de l'utopie se manifeste de manière tout aussi diversifiée dans le 7ème art que dans la littérature. Le cinéma laisse libre cours au genre fantastique, dans lequel tout est possible. Ainsi deux des films que nous étudierons, La Belle Verte et Le Château dans le ciel, voient leur action se centrer autour d'un univers fictif, tandis L'An 01 est filmé comme un documentaire. Nous étudierons les différents aspects que peuvent prendre l'utopie dans le cadre du cinéma à travers ces trois exemples, en approfondissant particulièrement sur L'An 01 dont le sujet est la communauté utopique elle-même.

L'An 01de Jacques Doillon, Gébé, Alain Resnais et Jean Rouch, en 1973
"On arrête tout et on réfléchit!"

L'An 01 a été réalisé à une époque particulière, pendant laquelle les gens rêvaient de changer le monde. Quelques années après mai 68, les idées libertaires sont toujours d'actualités. Ce film d'auteur a choisit de traiter l'idée utopique à travers une optique naturaliste. Et c'est pourquoi il appartient au genre docu-fiction.

Dans ce film, la population a décidé de tout arrêter et de réfléchir. Ils ne sont pas satisfaits de la société de consommation, de leur quotidien dicté par des heures convenues, du caractère futile de leur travail et celui des problèmes matériels. Après de multiples conversations, le message d'une nouvelle ère est transmis, et une décision collective est mise en place : l'An 01 débutera un certain mardi à 15h. Certains ne prennent pas cela au sérieux, d'autres ne comprennent pas que cela va vraiment arriver, des publicitaires essayent de récupérer l'événement ; il y a une effervescence de toutes parts mais à l'heure programmée le passage à l'An 01 se déroule comme prévu.
La première scène du film présente un changement d'habitude, une personne ne monte pas dans le train qu'il prend depuis douze ans à la même heure et choisit de parler avec un inconnu.
Des émissions pirates sont diffusées quelques temps avant le passage à l'An 01 afin de promouvoir l'idée révolutionnaire. Nous relèverons au passage la mise en abyme réalisée : un film utopique dans un film utopique. Extrait :
"On nous dit : Le bonheur c'est le progrès faites un pas en avant. Et c'est le progrès... mais ce n'est jamais le bonheur. Alors si on faisait un pas de côté! Si on essayait autre chose! Si on faisait un pas de côté, on verrait ce qu'on ne voit jamais. Si on faisait un pas de côté :
- Les queues ne tomberaient plus en face des guichets, 
- Les coups de fusils tomberaient à côté des soldats,
- Au lieu de sonner chez soi on sonnerait chez le voisin,
- Et pour danser ça ne gêne pas, il suffit de faire ensemble le même pas de côté."
Des hommes prennent conscience de l'aliénation du système et veulent le fuir en se rapprochant de la nature : ils ont constaté que l'argent que leur avait rapporté leur travail à l'usine leur avait servi à se procurer de biens matériels. Ils ont pris conscience de l'absurdité de la consommation frénétique. Une fois ces biens acquis, pourquoi s'en procurer de nouveaux ?
L'Etat essaye de s'organiser pour étouffer la révolte mais sans succès. La propagande réactionnaire n'a plus aucune portée et les hommes politiques sont considérés comme "provisoires".
A partir du fameux passage à l'An 01, le travail de bureau n'existe plus, les fabricants de pâtes en ont produit assez pour plusieurs mois, l'argent ne circule plus et toutes les acquisitions de choses nécessaires s'opèrent par troc. Les gens décident de parler aux inconnus qu'ils croisent dans la rue, d'échanger leur carte d'identité entre eux parce qu'ils en ont marre de porter toujours le même nom. Ils cultivent des légumes sur les trottoirs creusés et marchent sur la route, la voiture n'existant plus, le vélo est leur moyen de transport écologique. Ils s'amusent du ridicule de leur ancienne situation en riant pensant à combien leurs anciennes habitudes paraissent insensées : certains font semblant de devoir se réveiller avec un réveil et restent au lit, d'autres jouent à travailler en essayant de rester sérieux le plus longtemps possible. Les seules préoccupations qui leur restent sont de se nourrir et de devenir intelligent.
La propriété privée est délibérément abolie, ce qui est symbolisé par une pluie de clefs lancées depuis toutes les fenêtres. Ainsi, d'après leur logique, il n'y a plus de voleurs et tous les prisonniers sont libérés. On verra ensuite des personnes qui ne se connaissent absolument pas cohabiter sans se poser de questions.
Aux États-Unis, on voit le marché de la bourse s'effondrer dans les bureaux vides. La nouvelle du nouveau mode de vie européen s'est transmise dans les journaux américains, comme en Afrique par télégramme, et l'enthousiasme des individus apprenant la véracité de la nouvelle semble les inspirer pour leur pays. Une portée mondiale est donc prévue.
Les magasins sont transformés en musées, on y trouve des caddies comme des aspirateurs. Encore une fois, l'ancienne situation est présentée comme ironique : il y a par exemple une démonstration pour remettre les gens dans le contexte du métro et leur montrer combien on était serré aux heures de pointe.
De nouvelles expériences ont lieu, la plupart sans aboutissement mais l'aboutissement n'est pas l'intérêt ; ainsi le désir sexuel est considéré comme une énergie potentielle, quatre personnes s'allongent alors nus en se tenant par la main et essayent de transformer leur énergie. L'intérêt est de montrer une nouvelle vision des choses, la présence de nouvelles idées dans les esprits, le renouvellement des comportements.
Enfin, il existe des groupes d'opposants qui tiennent des réunions secrètes, ils sont filmés sans le savoir et leurs réunions sont diffusées à la télévision et la population rit de leur ignorance.

pour l'an 01 : On peut se demander si ce n'est que fiction ou si le genre documentaire permet de refléter une certaine réalité. Il est difficile de concevoir la mise en place de cette nouvelle ère de nos jours. Imaginez-vous 98 % des Français lancer leurs clefs par la fenêtre et accueillir comme si de rien n'était de parfaits inconnus ? Les personnes qui s'apparenteraient aux opposants du film seraient probablement majoritaires aujourd'hui, les politiques n'autoriseraient pas une telle action, les gens ont peur du changement etc. 


Le Château dans le ciel, de Hayao Miyazaki, 1986 (sorti en France en 2003)

L'île utopique présente dans ce film est inspirée d'une île rencontrée dans Les Voyages de Gulliver, roman utopique et satirique écrit par Jonathan Swift. On remarque un croisement entre ces deux traitements de fiction. Voici le début de la description qu'il fait de l'île de Laputa (chap III de la troisième partie « Voyage à Laputa, aux Balnibares, à Luggnagg, à Gloubbdoubdrie et au Japon ») : « L’île volante est parfaitement ronde ; son diamètre est de sept mille huit cent trente-sept demi-toises, c’est-à-dire d’environ quatre mille pas, et par conséquent contient à peu près dix mille acres. Le fond de cette île ou la surface de dessous, telle qu’elle parait à ceux qui la regardent d’en bas, est comme un large diamant, poli et taillé régulièrement, qui réfléchit la lumière à quatre cents pas. Il y a au-dessus plusieurs minéraux, situés selon le rang ordinaire des mines, et pardessus est un terrain fertile de dix ou douze pieds de profondeur. (...)»

Le Château dans le ciel est un dessin animé japonais. La présence d'un monde utopique dans une œuvre destinée à des enfants est signifiante ; ils ont encore l'innocence et la pureté de l'enfance pour y croire, et leur inculquera (de manière positive) des idées utopiques ou du moins pacifiques. Le caractère imaginaire de ce film n'est pas à négliger dans le traitement de l'utopie. Le monde utopique est une île volante, issue des Voyages de Gulliver écrit paJonathan Swift en 1720.
Sheeta descendante de la famille royale de Laputa et orpheline, s'est faite enlever par Muska un homme puissant du gouvernement. Quand on la découvre, elle se trouve dans un dirigeable, et des pirates sont également à sa poursuite. Muska comme les pirates s'en prennent à la jeune fille pour la même chose : la pierre bleue que Sheeta garde précieusement autour de son cou. Essayant de s'échapper, elle tombe dans le vide et elle est sauvée par un jeune homme de son âge Pazu, dont le père à porté une obsession particulière à l'île de Laputa jusqu'à sa mort. C'est au moment où Sheeta tombe qu'elle découvre la puissance magique de la pierre, qui la fait atterrir en douceur. Tous deux ont donc un lien avec cette île qui semble plus tirée d'une légende que de la réalité, et ils vont se lancer dans une recherche effrénée de Laputa avec le dessein de découvrir la preuve de son existence, tout en se faisant poursuivre par les hommes du gouvernement et les militaires. La pierre relie la jeune fille au pays flottant dans le ciel, et l'imaginaire est introduit avec celle-ci ; en plus de lui permettre de voler, elle lui indique la direction qu'il faut prendre pour s'y rendre, et elle est composé du cristal qui permet la lévitation de l'île dans le ciel. Ils y parviennent finalement, et la violence de ceux qui les poursuivaient fait que leur séjour sur l'île ne dure pas longtemps. Seuls des sortes de robots qui organisent le bon fonctionnement de l'île demeurent dans le château volant.
L'introduction d'une île utopique dans ce film permet également de critiquer les hommes :
- leur avidité du pouvoir qui explique le fait que les humains ne vivent plus sur l'île, ils sont devenus tellement irréfléchis et matérialistes qu'ils ne sont plus aptes à vivre une utopie. Créée par les Laputiens à une époque trouble de leur histoire, l'île flottante a d'abord été un moyen pour ses citoyens d'échapper aux conflits qui sévissaient à la surface de la terre. Dotant la cité d'un incroyable arsenal de guerre, les Laputiens sont devenus les maîtres du monde. Rien n'aurait pu remettre en cause la toute-puissance et la domination du royaume mais les Laputiens ont progressivement abandonné l'île, pour revenir sur terre. Cela montre que cette recherche de pouvoir ne peut perdurer.
- la destruction de la nature par leurs armes et par leur mode d'actions basés sur l'inconséquence est largement représentée. Par exemple Muska, le personnage qui représente le "méchant", dit très naturellement lorsque son passage est obstrué par des racines alors qu'il n'a pas mis le pied sur l'île depuis des années "aucune importance, je ferai tout brûler"

http://www.buta-connection.net/films/laputa_analyse3.php



La Belle Verte, de Coline Serreau, 1996

La Belle Verte s'appuie également sur l'imaginaire, et cela lui permet de créer un monde idéal. Sur une planète complètement imaginaire, des habitants vivent des récoltes du jour dans une joie et une convivialité enviables. Cependant, ils font parfois quelques expéditions sur les planètes alentour pour s'informer de leur évolution. Curieusement, cela fait très longtemps que plus personne n'a voulu aller sur Terre, mais une femme se désigne pour comprendre ses ancêtres. Elle se téléporte et arrive à Paris, et cela permet de comparer cette planète idéale à la vie en France à travers l'incompréhension d'une personne qui n'aurait pas été habituée à la ville et à la société d'aujourd'hui qui comprend argent et pollution.  
On peut en effet parler d'utopie pour sa planète d'origine. Ce monde marche tout d'abord sans monnaie sous quelque forme, et donc sans profit. Les habitants y vivent d'une alimentation biologique et végétarienne, en se partageant toutes les récoltes du jour, de la même façon qu'ils se partagent les savoirs. Il est évident qu'ainsi il n'y a aucune pollution.  Pour développer les capacités de leur cerveaux, ils pratiquent le sport cérébral, et du sport physique également afin d'entretenir les possibilités  physiques et intellectuelles, et ils font cela dans un esprit joyeux, sans compétitions ni obligation. L’énergie de ces habitants se trouvent dans la tendresse des nouveaux-nés qu'ils serrent dans leurs bras, ce qui berce le bébé épanoui lui-aussi. Il est le symbole de la pureté, ils trouvent donc leur nouvelle énergie dans la pureté. Il n'y a pas de maisons ni aucune propriété pour quoi que ce soit (à part les liens familiaux, les enfants restent ceux de leurs parents bien qu'ils vivent tous ensemble), même si cela implique l'importance d'un climat clément. Ils dorment ainsi dans l'herbe. On ne trouve pas non plus les artifices vestimentaires et décoratifs comme le maquillage pour les femmes qui n'existe pas (et n'a pas lieu d'exister). On ne trouve pas non plus d'objet inutiles, ce n'est donc aucunement une communauté matérialiste. Enfin les habitants de cette petite planète communiquent avec la femme qui est allée sur Terre en mettant les pieds dans l'eau, cet élément naturel, symbolique lui aussi, remplace le téléphone. C'est donc un rêve


Conclusion : La variation des genres de ces films utopiques permettent chacun une approche différente du sujet. L'An 01 est un film d'auteur qui a été réalisé sous forme documentaire, forme qui a pour dessein d'appuyer une impression réaliste. Le Château dans le ciel, dessin animé dans le genre merveilleux est cette fois destinée aux enfants et prend le parti d'être entièrement imaginaire. Quant à La Belle verte, c'est un  film fantastique voire de science-fiction, ce qui permet de placer l'utopie dans un contexte complètement surréaliste opposé à la réalité triviale critiquée de la Terre. Ces trois traitements sont variés mais convergent vers un même point : l'utopie. 

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